Évaluer le coût réel de la vente du Canada

Le Canada doit faire preuve de lucidité quant aux implications du rachat d’entreprises canadiennes par des sociétés étrangères, non seulement durant la pandémie actuelle, mais aussi lorsque la COVID-19 sera derrière nous.
Une réduction spectaculaire du prix des actions et de la valeur marchande des entreprises de ressources et de technologies essentielles a été une conséquence économique majeure des mesures mises en place pour protéger la santé publique. Alors que de nombreux pays s’efforcent de faire face à la pandémie, d’autres puissances mondiales se servent du ralentissement économique qu’elle a causé pour mener à bien leurs projets à long terme.

Le Canada est une cible attrayante.

Sans une action immédiate, les entreprises canadiennes seront sans défense face à ce comportement prédateur. Les entreprises minières, pétrolières et gazières, ainsi que les entreprises manufacturières sont particulièrement vulnérables en fonction de leur valeur stratégique et du fait qu’un grand nombre d’entre elles sont tombées en dessous des seuils nécessitant un examen en vertu de la Loi sur Investissement Canada (LIC).

La semaine dernière, le ministre de la Justice, David Lametti, a présenté un projet de loi qui suspendrait les délais réglementaires sur la Loi sur Investissement Canada jusqu’au 30 septembre de cette année. Si le fait de prévoir plus de temps pour les vérifications n’est pas malvenu, cela ne fait que prolonger le statu quo. Cela ne répond pas aux préoccupations immédiates concernant la prise en charge d’une entreprise par une société étrangère et n’aide en rien au développement d’une approche détaillée qui priorise la sécurité et la souveraineté nationale ainsi que les considérations économiques.

L’Australie a déjà adopté des mesures pour protéger les entreprises nationales contre le rachat par des sociétés étrangères, à court terme, en imposant un examen de chaque rachat pour toute entreprise de télécommunication, de technologie, d’énergie et de défense. Le Royaume-Uni a des plans imminents pour renforcer ses règles, et l’Union européenne a exhorté les États membres à protéger les biens nationaux essentiels.

Le Canada doit faire de même pour empêcher la vente au rabais des ressources stratégiques du pays qui sont en détresse à cause de la COVID-19.

La Loi sur Investissement Canada doit être modifiée immédiatement pour abaisser les seuils financiers qui déclenchent un examen fédéral, suspendre temporairement la prise en charge par une société étrangère d’entreprises influences par l’État et exiger des examens de sécurité nationale pour toutes les prises en charge, sauf si l’acheteur provient d’un pays qui est un partenaire canadien en matière de partage de renseignements.
Une analyse à long terme devrait étudier dans quelle mesure le Canada devrait conserver des actifs stratégiques pour assurer sa résilience et sa souveraineté économique.

La politique arctique de Beijing affirme que la Chine est un « État proche de l’Arctique », avec des plans pour une « route de la soie polaire », qui cherche à accéder aux réserves énergétiques et minérales de l’Arctique et au passage du Nord-Ouest, une route maritime majeure, afin de revendiquer efficacement les ressources et le territoire canadiens.

Le désir de la Shandong Gold Mining Company d’acheter la société canadienne TMAC Resources en est un excellent exemple. Le gouvernement du Parti communiste chinois (PCC) détient 47 % des parts de la Shandong Gold.
La Chine est le plus grand producteur d’or au monde et détient plus de 90 % de l’approvisionnement mondial en minerais rares. L’or offre une protection contre la volatilité économique et est largement utilisé dans les systèmes de contrôle des centrales nucléaires et des installations d’armes nucléaires. Les métaux rares sont essentiels pour l’électronique, la production d’énergie renouvelable et le matériel militaire de pointe.
Les sociétés étrangères utilisent également des sociétés filiales pour acquérir de nombreuses parts de sociétés canadiennes, chacune sous le seuil de la LIC, ce qui leur permet d’obtenir une position de propriété cumulative importante sans déclencher de vérifications.

Combien le Canada peut-il se permettre de perdre avant que son indépendance et son autosuffisance ne soient menacées ?
Les acquisitions par des sociétés étrangères de ressources stratégiques ne peuvent pas être considérées individuellement.
La récente chute des prix mondiaux du pétrole a été exacerbée lorsque les pays du cartel OPEP+ ont tenté de renforcer leur domination mondiale en utilisant leur emprise stratégique sur le pétrole pour détruire les concurrents du libre marché en Europe et en Amérique du Nord et pour déstabiliser leur sécurité énergétique.

L’utilisation croissante de barrières commerciales non tarifaires comme celles employées par la République populaire de Chine contre les exportations de canola, de ginseng et de soja du Canada peut avoir un effet dévastateur sur la sécurité alimentaire et les revenus nationaux.

Dans le domaine des télécommunications, il n’y a que deux grands fabricants de réseaux 5G : Ericsson/Nokia et la société chinoise Huawei. Cette emprise stratégique sur les technologies de télécommunications pourrait mettre la sécurité nationale en danger.

C’est le pouvoir des autres formes de politique étrangère — et le Canada est vulnérable.

Le Canada est une nation commerçante s’appuyant sur le libre marché et requérant des investissements étrangers directs pour faire croître son économie. Par ailleurs, le Canada doit élaborer un plan d’ensemble pour les rachats d’entreprises par des sociétés étrangères qui tient compte de tous les aspects de la diplomatie douce et de la diplomatie musclée pour évaluer le coût réel de la vente du Canada.

Leona Alleslev — Chef adjointe du Parti conservateur et ministre du Cabinet fantôme responsable des Affaires étrangères ; Pierre Paul-Hus — ministre du Cabinet fantôme conservateur responsable de la Sécurité publique, de la Sécurité frontalière et de la Protection civile ; Shannon Stubbs — ministre du Cabinet fantôme conservateur responsable des Ressources naturelles.